A Deux Mains: Témoignages de pers à la rue !

Sous un pont, près de l’A4 à Charenton, Papy Samy :

            C’est en hivers 98-99 que nous avons rencontré Papy SAMY.

Notre papy fait de la résistance, ça fait  40 ans qu’il est dehors, il en a 76. Très attachant et souriant, c’est un régal de parler avec lui. Dur, dur, pour réussir à lui faire faire quelques démarches, voir impossible. "J’suis trop vieux, plus d’papier, j’suis bien là ! ”, oubliant même le confort d’avoir un chez soi.

C’est pas évident de redonner de l’espérance aux gens. Sa vie, c’est le tour de France à pied, chaque année il prend son sac, ses tatouages, son courage et sa persévérance. Marche ou crève...

Tu sais, quand il fait trop froid, papy Samy s’arrête à Paris sous un pont où il restera tout l’hiver, c’est probablement là qu’il a vu se faire égorger son compagnon de voyage, pour quelques francs. Depuis, tous les Noëls, pour ce pote, en sa mémoire, il reste seul. C’est ainsi...

Près de la porte de Charenton, M. Cicatrice:

            Avec la camionnette, on s’arrête près d’un monsieur errant sur le trottoir, un grand imper et un pantalon sale trop large pour lui. Il accepte de prendre un café, on lui donne un sachet de denrées (fromage, chips, bananes ). Il ne parle pas, seul des sons sortent de sa bouche, il a été opéré d’une trachéotomie à la suite d’un cancer de la gorge.

Il pleure pour ce petit geste envers lui ;  un rien lui rehausse le cœur, c’est d’une simplicité qui nous touche beaucoup. Il nous montre une cicatrice le long de toute sa cuisse, due à l’une des agressions dont il fut victime, pour quelques sous; il ne porte ni slip, ni caleçon, et l’on a pas franchement envie d’en rire. En partant, dans le rétro, il nous fait signe de la main jusqu’à ce que nous disparaissions au coin de la rue.

(Nous avons appris par une autre association que cet homme est décédé dans la rue, seul).

Michel:

            Il habite à Strasbourg Saint-Denis, dans un 9m². IL paie 2400 F de loyer par mois ; “ touche ” 2500 F en guise de RMI. “ J’ai ma petite plaque chauffante, mon petit radiateur. Oh, je ne chauffe pratiquement jamais : en hivers, je prends plusieurs couvertures. Sinon, je paie environs 150 F de téléphone, tous les 2 mois, voilà ”.

“ Le RMI pour moi, c’est du mercurochrome sur une blessure ”. “ Ils ” devraient l’entendre au sens propre du terme, pas au sens figuré : Revenu Minimum d’Insertion, INSERTION ! Eux le voient comme un assistanat. Il faut nous réinsérer dans la société. Toucher le R.M.I., c’est être traité comme de la merde !. ON devrait nous imposer, nous aussi, sur ce revenu minimum. Oh, pas grand chose, peut-être 200 F par mois mais au moins, on participerait, on ne le prendrait pas pour de l’assistanat Dégradant, Avilissant. Qu’ils nous donnent 3000 balles, pas 2500 !, 3000 F, c’est plus juste ”.

“ Je lis beaucoup, énormément. Ca a commencé en prison. Beaucoup de classiques : Céline, V. Hugo, Zola etc  Il faut s’occuper en prison. J’ai fait du sport là-bas, comme tout le monde, comme un échappatoir ne pas devenir fou, évacuer.

Tous les jours, je lis la presse : ”Time Magazine ”, “ Herald Tribune ” 

Sinon, je marche beaucoup. Beaucoup d’expos : celle du Maroc, au grand palais, superbe 

  Le Musée des arts Décos. J’aimerais pouvoir aller à Londres voir l’expo Monet, oui

"voir Londres et puis mourir ”, “ ça oui ”

(propos recueillis par Cécile Martinière)